C’est la balade de la femme du soldat.
Un trou au côté droit, elle erre dans le tumulte des voix qui se sont
tues, des bouches qui se closent d’avoir tant crié sous les nuées de
boue qui leur servait de breuvage.
C’est la balade des corps sans vie.
Une plaie ouverte sans trace de balle, des larmes sèches des éclats
vrombissants, qui auraient semé sur le champ de sa vie de telles
batailles …
C’est la saveur des pluies noires tombant sur les décharnés comme
tomberait la feuille de l’arbre pour écraser de son poids le bourgeon à
peine éclos.
Et ainsi va la vie, ses grandeurs d’âme et ses miséricordes de pacotille.
Flâne l’étoile sans terre pour ses pas, vole l’oiseau sans ciel pour ses
ailes, voit l’aveugle sans pupille pour son regard et va l’humain sans
cœur pour vaquer à ses vagues.
Telle une ombre par-dessus le toit je démarche ma voix au son des notes
sans mélodie meurtrissant mon front devenu chaud à la chaleur de la
lumière blanche de mon plafond. Ce soir est un matin où la nuit
m’accompagne, je bois mon temps en salissant d’autres pages que celles
que je défleure en mon impassible ennui. Je brouillonne des tas de riens
qui s’accumulent en un néant assourdissant de danses slaves sur
lesquelles aucun voile n’orne l’épaule de la danseuse et aucune main ne
vient déranger les cordes de l’instrument.
Que dire de la balade de la femme du soldat ?
Un enfant par la main, un autre en son sein qui rejoindra son géniteur
par faute de ne pouvoir jamais l’appeler Papa, femme sans nom, reniant
sa terre, femme sans patrie, sans mari, femme sans mémoire dont le
chagrin épargne le souvenir, que dire de la marche de cette femme sans
regard ni visage qui flotte en une symphonie de tout instant sans saveur
ni valeur, sans plus aucune attente ni possible détente, que dire de
ses pierres contre lesquelles l’enfant s’écorche le pied, que dire mais
que dire des pleurs du nouveau-né sacrifié avant même sa mise au monde ?
Que dire alors du monde et de ses peurs, de ses cris d’ivresse et de ses plaintes agonisantes de froideur ?
Mon corps n’est-il pas assez mort pour que le fer vienne y rougir le cœur en son contour ?
Gerbe de fleurs, gerbe de sœurs désormais orphelines, fratrie commettant
l’infanticide, tendresse à jamais nulle des mains qui ne trouveront
leur appui qu’en le vide de l’absence, monotonie de l’insomnie du
dormeur solitaire reposant sous l’arche aux quatre colonnes, il est
l’insignifiant de l’œuvre de l’Insignifiance, le gigantisme de la
microscopie de la grandeur d’armes, faiseur de biens, pilleur de mâles,
le cœur de la femme pleure et je l’entends du fond de son silence qui
s’émeut et aboie aux quatre coins des saisons que jamais plus elle ne
passera entre ses bras, devenus lestes et inanimés de s’être engagé
contre l’aiguille et la paresse inassouvie des heures de lassitude du
bonheur non remarqué, tant habitué dans la trotteuse.
Elle est cette aiguille marquant le pas, ouvrant la marche à la chute de l’esprit.
Elle est là, tenant un enfant par la main, un châle couvrant sa
chevelure, l’abdomen comme nié, une larme au coin des yeux, un
trébuchement dans l’inconnu, ce sont quatre âmes qui s’éteignent en la
mort d’un soldat nu, en l’honneur d’une balle perdue.
samedi 27 septembre 2008
mercredi 3 septembre 2008
Marche arrière
Nous étions là, tous deux, accoudés sur
le rebord de la fenêtre. L'eau venait nous toucher du doigt avant de
s'éteindre au sol, nous caressant humidement, nous glaçant les os.
Il faisait chaud, sa main dans la mienne, le regard perdu au loin entre les avancés d'ombres, rideau funeste d'une danse macabre, on aurait dit des fantômes accusant leur pénitence, ils marchent tête basse et s'entrechoquent telles des vagues sur les falaises. Ils paraissaient morts, se muant à travers cordes, pendus sans tête, vivant sans rythme autre que celui du vent, écoutant le tracé d'une route invisible dictée par les arbres et l'abattement de leur feuillage. Il pleuvait.
Il pleuvait et nous étions là à regarder tomber la pluie, nous en émerveillant presque, vidés de tout monde existant quelque part, nous étions ailleurs tout en étant ici.
Nous étions ici puis il est parti, me laissant alors seule dans l'endroit où je vis, où je n'existe pas, où je redeviens moi et me subis.
Il est parti m'envoyant un baiser, cigar à la bouche que je venais de frôler, semblable aux fantômes de pluie trainés par les rafales.
Il faisait chaud, sa main dans la mienne, le regard perdu au loin entre les avancés d'ombres, rideau funeste d'une danse macabre, on aurait dit des fantômes accusant leur pénitence, ils marchent tête basse et s'entrechoquent telles des vagues sur les falaises. Ils paraissaient morts, se muant à travers cordes, pendus sans tête, vivant sans rythme autre que celui du vent, écoutant le tracé d'une route invisible dictée par les arbres et l'abattement de leur feuillage. Il pleuvait.
Il pleuvait et nous étions là à regarder tomber la pluie, nous en émerveillant presque, vidés de tout monde existant quelque part, nous étions ailleurs tout en étant ici.
Nous étions ici puis il est parti, me laissant alors seule dans l'endroit où je vis, où je n'existe pas, où je redeviens moi et me subis.
Il est parti m'envoyant un baiser, cigar à la bouche que je venais de frôler, semblable aux fantômes de pluie trainés par les rafales.
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