lundi 17 juillet 2017

Famille



Tout est mort.
Avec eux.
Il ne reste rien.
Mon père a refait sa vie avec une femme de trente ans plus jeune, la meilleure amie de ma sœur aînée, seulement six mois après la mort de Maman.
Il ne viendra pas me voir pendant les vacances. Prétextant des travaux à réaliser de toute urgence dans l’appartement de Betty. Tout pour lui tourne autour d’elle désormais. Et pourtant au téléphone, avec moi, jamais il n’ose prononcer son prénom. Jamais. Il sait ce que j’en pense.
Tout le monde à Lyon était au courant depuis le début. Moi j’ai reçu mon père l’été dernier, sans savoir, alors qu’ils étaient déjà ensemble depuis près de quatre mois.
A Noël, c’était la mascarade de trop. Chez ma sœur aînée, ils étaient tous là autour de moi, à savoir, ils ont fait semblant. Betty a offert une gourmette en argent à mon père. J’ai su. L’après-midi j’ai regardé les sms dans le portable de mon père. Des déclarations enflammées. Des je t’aime. A gerber. Tous étaient au courant. Sauf moi. Parce que je suis veuve aussi. Parce que cela m’est impensable. Parce que je suis loin et qu’on peut donc tout me cacher.
Mais je l’ai su.
J’ai alors attendu. Qu’il m’en parle. Mais non. Pas le courage. Evidemment. Après 40 ans de vie commune, remplacer ma mère au bout de six mois seulement. Pas le courage. Trop honte peut-être.
Je suis rentrée à Belfort. Et pour la nouvelle année j’ai tout déballé au téléphone. Il allait me le dire. Bien sûr que non. Trop lâche.
Aujourd’hui j’attendais qu’il m’annonce sa venue pour l’été. Mais là encore, c’était rêver. Il préfère rester avec elle. Et moi, mes larmes, mes manques, mes nuits blanches, qu’importe ? Je suis loin. Très loin. Trop loin.
Parfois j’aimerais l’être plus encore.
Seul mon chat me retient.
J’ai une voiture et je n’ose pas la conduire de peur de me perdre, j’ai une trop grande conscience des risques. Mais à part mon chat, qui souffrira de mon absence ?
Personne.
Bien trop occupés à vivre.
Moi j’ai l’impression d’avoir déjà tout vécu. Que ma vie est résolument derrière moi. L’amour de ma vie, ma famille, la maladie, la mort. Et que je ne fais qu’attendre de pouvoir tout quitter à mon tour.
La Bretagne ne me tient plus debout. Je n’ai plus aucun rêve. Je reste chez moi, allongée sur mon lit et j’attends que les heures passent. Parfois j’arrive à dormir. Le plus souvent je regarde le plafond et je revois le corps de ma mère se soulever à chacune de ses inspirations, un tube dans la gorge, la veille de sa mort. Et quand ce ne sont pas ces images que je vois, je me revois en salle des profs, un vendredi, le portable à la main, mon beau-frère au bout du fil, me dire « c’est fini ».
Et m’effondrer.