samedi 15 novembre 2008

Je rends la liberté

Deux étrangers sur le rebord d’une route marchant l’un l’autre sur un trottoir.
Le ciel est sans couleur et la ville sans contour.
L’inexistant n’est plus.
Seules les deux silhouettes avancent telles des morts dans une danse que leurs pas ne parviennent à synchroniser.
La valse tourne les têtes jusqu’à impatience de l’Autre qui s’égare et se perd dans son désir d’ailleurs tant convoité, frileux de s’avouer à lui-même sa force de conviction échouée.
Il y a, parait-il, certaines voix qui se font entendre plus fortement que d’autres, laissant l’essentiel à peine audible dans le fracas des cris de l’Indicible. Quoi d’autre alors que ces traits que dessinent les larmes sur un visage pour en justifier le malheur ?
Fable de l’un et de l’autre, fabuleuse nébuleuse qui se tait et s’enterre sans autre désir que l’Autre même.
Assonance.
Résonnance.
Ses mots en mes tempes, bousculant chaque endroit de plénitude dans le regret d’une rupture à venir qui se trace.
Fragilité d’une totalité qui se révèle pour l’autre insuffisance, insupportable, que les dire et les dire ne se comportent plus simultanément, ne joignant plus l’idéal au réel, décontenançant la vérité crue comme telle, mettant à bat le dit savoir pour poser en nos crânes ces multiples remises en questions ne servant qu’à maintenir notre course au statut d’immobilité.
A quoi bon retenir une main qui se perd ?
A quoi bon réunir les deux trottoirs en une même route ?
A quoi bon si cela est insupportable pour l’autre, qui ne le révèle à l’un qu’à la fin du conte ?
Plus de mots pour exprimer l’intérieur, plus de cris pour gueuler la rancœur, plus de gestes pour démontrer sa supposée valeur. Plus rien que le rien qui seul résiste, subsiste, qui seul nous donne cette certitude de non solitude, le personnifiant, lui donnant un nom, l’appréciant, se prenant d’amour et plus tard d’admiration résultée. Faire de ce deuxième autre, ce deuxième soi, un nous à part entière, et le conduire à sa perte, qui me conduit à ma perte. Et toujours là, l’Indicible bataille pour se faire entendre comme seule vérité.
Avouer pour ne pas perdre la seule voix qu’entrechoque l’autre, la condamnant, la repoussant, la flagellant.
Avouer son incapacité à s’en défaire et émettre la volonté de cumul, pour ne pas regarder son impuissance à s’en débarrasser, pour ne pas regarder sans dimorphe ce reflet des maux qui pèse, alourdit, atteint, déteint.
De l’aide pour ébranler le peu de confiance assumé.


Etre supplice à l’autre comme silice à la chair, être perpétuel obstacle à celui que l’on aime, s’il suffisait … comme à la mer la tête des noyés, en triomphe de leur nage étouffée.

A la prison je rends la liberté.