vendredi 27 novembre 2009

Le semblant enfant


Je vois des maisons que recouvre le temps
Et des lions de pierre sur les murs des pontons.
Le jour recommence et mon cœur se plaint que la nuit ne dure toujours, son sein contre le mien.
 
Je vois l’enfant qui court et se retourne vers moi,
Me fais signe de la main,
Il sourit.
Ses boucles rebondissent dans sa course, il trébuche, se relève
Amèrement,
Me regarde encore, met un doigt sur ses lèvres,
Une larme traverse sa joue.
Je le vois.
Je luis souris à mon tour et alors il s’en va, courant, heureux, je crois.
 
Je reste là.
Ma tête tournée vers ce qui était lui,
Ses rires me manquent, je crois.
 
L’arbre n’a plus de feuilles
Je ne vois plus les yeux de l’enfant
Ils brillaient hier, pourtant…
Je l’ai reconnu cette nuit, il était là, sur mon épaule,
Me pardonnant de l’avoir maudit.
 
J’ai trébuché à sa vue, il a rit.
J’ai versé une larme, m’a regardé
Puis est parti. De nouveau.
Il était beau. Moi j’étais triste.
 
Les lions se reposent maintenant, sous les branches des arbres, entre l’herbe et le ciel, et le tas de feuilles.
Les rosiers sont en fleurs.

jeudi 26 novembre 2009

La figurine


Et les feuilles mortes sont comme des mains tendues vers l’abîme
Je ne veux plus d’amours mortes
Et mon ciel prend alors l’allure d’une figurine
J’approche mes lèvres de la vie
Et lui donne un baiser ultime
Un soupir qui m’apaise
Ce cœur à jamais trop fragile.

On marche sur les tas  feuilles
Humectant leur odeur de nature pourrie
Si tendre à mes narines
Et la pluie même se confond en chant sonore.

Je veux l’accalmie qu’offrent les premiers rayons d’un soleil assombri
Il brille en mon cœur
Qui parfois pleure, d’en avoir trop appris.

C’est de cet amour timide et pudique
Qu’il se veut, l’organe, sur la table posé, mis à nu sans sourire.
Devant ce qui fût sa peur.

Il en va aujourd’hui
De ces mêmes mains mortes
Qui une fois décomposées
Veulent redonner la vie.

samedi 21 novembre 2009

Il est des jours

Il est des jours qui nous rappellent avec une violente ignorance notre insignifiance. Ce sont de ces jours longs qu’ordonnent l’ennui et l’impuissance. Aucune illustration nécessaire autre qu’une absente, puisque rien du beau qu’auraient pût être ces heures ne s’est laissé attendre. Et alors les minutes traînent, se déploient à agresser notre patience jusqu’à ce que le sommeil abrège leur lenteur… L’inutilité règne en maître.

mercredi 18 novembre 2009

Ma Grande


Depuis, elle semble ne plus exister.
Je me suis toujours demandé comment une mère pouvait se remettre de la mort de son enfant. J’ai compris qu’elle ne s’en remettait pas.
Aujourd’hui il m’est devenu impossible de croire à la véracité de ses sourires.
Aujourd’hui je crois que le mal, celui qui nous tue, est irrémédiable. Que le temps ne sert qu’à creuser doucement le trou pour lesquelles nos dents servent de pelle. Les larmes arrosent les chrysanthèmes, et le soleil n’est plus que prétexte au recueillement.
Je revois son visage, insoutenable, et son amour toujours indemne, les caresses, les baisers, les blagues pour faire rire un corps sans plus de lèvres. Je redoute sa présence, parce que je ne crois pas en la feinte de sa joie retrouvée, je la vois qui s’encrasse dans la solitude, qui tombe devant chaque difficulté, si anodine pourtant comparée au deuil… Je me demande alors jusqu’à quand elle tiendra, jusqu’à quand il lui sera supportable de vivre ainsi, morte.
Il est des fois où je me sens coupable de ne pouvoir qu’envisager sa peine, je la vois grande, si grande, elle qui n’était encore qu’une gamine dans sa tête…
La gamine qui souriait tout le temps, qui était la gaieté même, l’ambiance chaleureuse et le répondant valeureux. La gamine est enterrée avec l’être auquel elle a donné le jour.

Parfois je l’observe, dans toute sa grandeur nouvellement née. Je l’observe et parfois je regarde. Ses yeux vides d’absence.
Quels mots se dit-elle ? Pour vivre encore ? Elle ne craint plus la mort m’a-t-elle dit, et elle parle de son Titi comme d’un sauveur à sa propre tombe. Et devant cela, il n’y a que l’impuissance, ou le regard en coin que la lâcheté ne permet  d’assumer entièrement. Pourquoi regarder ainsi la mère d’un enfant mort ?
Ses mots souvent me reviennent en mémoire… les lèvres bleues, le corps froid, les yeux s’enfonçant, les membres se raidissant… Vient ensuite les veillées, la présentation du défunt à la famille, sans craquer, parce qu’il ne faut pas que Bébé la voit triste… Et enfin les rejets du Petit, qui sans encore parler faisait non de la tête quant à appeler l’ambulance. Et elle était là, l’a vu  mourir, comme l’on regarde une feuille qui tombe sans pouvoir la retenir. Elle était, oserais-je dire là du début à la fin… Grande, mon Dieu, qu’elle dût être Grande pour surmonter tout çà…
Et moi si petite, son envie de se vivre me fait peur.