« … mon âme est détruite. Ma pensée a été jusqu’à se penser elle-même et
n’a plus la force d’évoquer en un Néant unique le vide disséminé en sa
porosité. J’avais, à la faveur d’une grande sensibilité, compris la
corrélation intime de la Poésie avec l’Univers, et, pour qu’elle fût
pure, conçu le dessein de la sortir du Rêve et du Hasard et de la
juxtaposer à la conception de l’Univers. Malheureusement, âme organisée
simplement pour la jouissance poétique, je n’ai pu, dans la tâche
préalable de cette conception, comme vous disposer d’un Esprit – et
vous serez terrifié d’apprendre que je suis arrivé à l’Idée de l’Univers
par la seule sensation (et que, par exemple, pour garder une notion
ineffaçable du Néant pur, j’ai dû imposer à mon cerveau la sensation du
vide absolu). Le miroir que m’a réfléchi l’Etre a été le plus souvent
l’Horreur et vous devinez si j’expie cruellement ce diamant des Nuits
innommées. »
Mallarmé, Lettre à Villiers, 24 sept. 1867.
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