mercredi 1 mars 2017

Lettre à Villiers


« … mon âme est détruite. Ma pensée a été jusqu’à se penser elle-même et n’a plus la force d’évoquer en un Néant unique le vide disséminé en sa porosité. J’avais, à la faveur d’une grande sensibilité, compris la corrélation intime de la Poésie avec l’Univers, et, pour qu’elle fût pure, conçu le dessein de la sortir du Rêve et du Hasard et de la juxtaposer à la conception de l’Univers. Malheureusement, âme organisée simplement pour la jouissance poétique, je n’ai pu, dans la tâche préalable de cette conception, comme vous disposer d’un Esprit – et vous serez terrifié d’apprendre que je suis arrivé à l’Idée de l’Univers par la seule sensation (et que, par exemple, pour garder une notion ineffaçable du Néant pur, j’ai dû imposer à mon cerveau la sensation du vide absolu). Le miroir que m’a réfléchi l’Etre a été le plus souvent l’Horreur et vous devinez si j’expie cruellement ce diamant des Nuits innommées. »
 

Mallarmé, Lettre à Villiers, 24 sept. 1867.

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